Tout le monde n'avait pas oublié l'affaire de l’attribution de la Délégation de Service Public de la restauration scolaire (DSP) et surtout pas la justice qui, par la voix de la Cour de Cassation, a rendu son jugement définitif en faveur de l'association du restaurant scolaire.
Cette décision confirme la justesse de la position prise sur ce dossier par notre équipe contre l'attribution du marché à la Sogeres, qui, depuis, a été évincée au profit d'un autre fournisseur, la mairie reconnaissant de facto un mauvais choix.
Nous vous proposons ci-dessous, in extenso, l'article du PROGRES paru le 28 mars dernier.
LE Progrès - jeudi 28 mars 2024
CHARBONNIÈRES-LES-BAINS
Cette petite association a fait condamner un géant de la restauration collective
La Sogeres, son directeur régional et l’employée de l’association du restaurant scolaire ont été définitivement condamnés. Photo d’illustration Laura Turc
C’est l’histoire du pot de terre contre le pot de fer. Depuis 2015, l’association du restaurant scolaire de Charbonnières-les-Bains poursuit l’un des gros acteurs de la restauration collective en France, la Sogeres. Et a obtenu gain de cause définitivement : en septembre dernier, la cour de Cassation a confirmé les condamnations pénales.
Un nouveau chapitre judiciaire s’est écrit dans le dossier de la restauration scolaire à Charbonnières-les-Bains. Le jugement pénal est devenu définitif au regard de la juridiction française, la cour de cassation ayant confirmé, le 7 septembre 2023, les condamnations de la Sogeres, son directeur régional et de l’employée de l’association du restaurant scolaire, par ailleurs employée municipale chargée de la restauration scolaire.
La société Sogeres, en tant que personne morale, a été condamnée à 60 000 euros d’amende pour « recel, par personne morale, du produit d’un délit », son directeur régional de l’époque, Cédric Leroy, à six mois de prison avec sursis et 15 000 euros d’amende pour « recel de bien provenant d’un délit puni d’une peine n’excédant pas 5 ans d’emprisonnement ».
L’employée Florence Plaza (ex-Boz) est condamnée à quatre mois de prison avec sursis pour « atteinte à la liberté d’accès ou l’égalité des candidats dans les marchés publics ». Pour les magistrats de la cour d’appel de Lyon, elle a « procuré ou tenté de procurer à autrui un avantage injustifié, en l’espèce, notamment en fournissant des informations précises à la société Sogeres, dans le cadre de la procédure d’attribution de la nouvelle délégation de service public de la restauration de la commune de Charbonnières-les-Bains ».
La Sogeres, rachetée par le géant Sodexo en 2001, s’affiche comme le 4 acteur de la restauration collective en France. Avec 400 millions d’euros de chiffres d’affaires, elle pèse 15 % de celui de Sodexo France. Dans la région, la cuisine centrale est installée à Rillieux depuis plus de quinze ans.
À Charbonnières, la restauration scolaire est confiée depuis 1999 à l’Association du restaurant scolaire, par délégation de service public (DSP). L’association, qui ne perçoit aucune subvention municipale, s’occupe alors de la gestion financière et administrative. Pour la fabrication et la livraison des repas, elle s’allie à la Sogeres.
En 2014, l’association annonce qu’elle changera de partenaire en vue du prochain renouvellement de la délégation de service public de 2015. Elle préfère 1001 Repas à Sogeres et monte son dossier de candidature avec son nouvel allié. De son côté, la Sogeres présente également sa candidature et remporte le marché. Le montant du marché de la restauration scolaire de Charbonnières s’élève à 1,25 million d’euros.
Des doutes et une plainte en 2015
Aussitôt, le président de l’association, Xavier Reppelin, émet des doutes sur des informations auxquelles la Sogeres aurait eu accès, pour favoriser sa candidature. Selon lui, les candidats concourant à l’appel d’offres lancé par la mairie n’ont pas été traités sur un pied d’égalité. Des informations qui auraient été délivrées par Florence Boz, la « dame de la cantine ». Employée par la mairie de Charbonnières (un tiers de son temps) et l’attributaire de la DSP (l’association du restaurant scolaire, à cette époque, pour deux tiers de son temps).
L’association a donc déposé plainte auprès du Procureur de la République le 9 décembre 2015.
L’enquête a été menée par la division économique et financière de la direction inter-régionale de la police judiciaire.
Depuis 2018, l’affaire se joue devant le tribunal judiciaire. En première instance, l’employée de l’association, la Sogeres et son directeur régional, ont été condamnés et ont fait appel de ce jugement. La cour d’appel de Lyon a confirmé les peines et tous se sont pourvus en cassation.
La plus haute juridiction a confirmé les condamnations pénales, devenues définitives.
La Sogeres poursuit son activité
Cet arrêt de la Cour de cassation a été un coup dur pour la Sogeres. D’autant que l’exclusion de la procédure de passation des marchés est prévue par le code de la commande publique, dans le cas d’une condamnation pénale définitive.
Mais la jurisprudence estime que cette exclusion n’est pas applicable, si la personne condamnée « peut fournir les preuves qu’elle a pris des mesures de nature à démontrer sa fiabilité ». L’article L 2141 du code de la commande publique a été modifié en ce sens, le 9 mars 2023.
Sollicitée, la société Sodexo, dont Sogeres est une filiale, explique : « La société Sogeres a mis en œuvre différentes mesures destinées à corriger le manquement sanctionné par l’arrêt de la Cour d’appel de Lyon. Elle en justifie auprès des personnes publiques dans le cadre des procédures de mise en concurrence auxquelles elle participe. Toutes les personnes publiques sans exception ont été convaincues de la fiabilité de la société Sogeres qui a, depuis lors, été attributaire de contrats publics dont la régularité n’a jamais été contestée ».
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